«Ennahdha n’a proposé aucune offre politique sérieuse, car il veut gouverner la Tunisie tout seul, il ne veut pas de partenaires politiques. Habib Jemli essaye de convaincre les Tunisiens de son indépendance, or c’est faux, il appartient à Ennahdha et a choisi une équipe gouvernementale issue de ce parti», selon Haykel Makki du Mouvement du peuple
Après avoir annoncé officiellement la composition de son gouvernement, fort de 42 membres dont 28 ministres et 14 secrétaires d’Etat, le chef du gouvernement désigné, Habib Jemli s’est déclaré, hier, prêt au vote de confiance auquel doit se soumettre son équipe à l’Assemblée des représentants du peuple (ARP).
Dés le début de la journée et même avant de prononcer son discours, Habib Jemli faisait l’objet de critiques et même d’accusations. Qu’il s’agisse des députés du Mouvement du Peuple, de Tahya Tounès, du Parti Destourien Libre, d’Au cœur de la Tunisie, du Courant Démocratique et même du parti Errahma, ils ont tous tiré à boulets rouges sur la composition gouvernementale proposée par Habib Jemli.
Et pour cause, ils critiquent tous la mainmise exercée par le parti Ennahdha sur les choix de Jemli remettant en cause son indépendance. C’est dans ce contexte que le dirigeant au sein du Courant démocratique Ghazi Chaouachi a, même avant le démarrage de la plénière, rappelé la position de son parti qui considère que ce gouvernement est «mort-né». Ce député prônait dès le matin un gouvernement du président de la République affirmant qu’Attayar réagira positivement avec cette alternative constitutionnelle. «Notre position était dès le début claire, nous ne voterons pas pour un gouvernement de quotas politiques, c’est un gouvernement mort-né, et nous sommes optimistes quant à l’alternative constitutionnelle qui verra la participation du président de la République pour désigner une personnalité politique consensuelle afin de sortir de cette crise», a-t-il expliqué.
C’est dans ce sens également que le député du Mouvement du peuple, Haykel Makki a sévèrement critiqué le gouvernement Jemli estimant qu’il résulte directement des choix opérés par les dirigeants du parti Ennahdha. Pour lui, le mouvement Ennahdha a essayé, à travers ce gouvernement, de s’emparer de tout le paysage politique. «Ennahdha n’a proposé aucune offre politique sérieuse, car il veut gouverner la Tunisie tout seul, il ne veut pas de partenaires politiques. Habib Jemli essaye de convaincre les Tunisiens de son indépendance, or c’est faux, il appartient à Ennahdha et a choisi une équipe gouvernementale issue de ce parti», a-t-il estimé. Il a également critiqué les choix de Habib Jemli en ce qui concerne la nomination de magistrats à la tête des ministères de souveraineté, ce qui met en péril, selon ses dires, l’indépendance du pouvoir judiciaire.
Seuls les dirigeants du mouvement Ennahdha ont fait, dès le début de la journée, confiance au gouvernement de Jemli, non pas pour son équipe gouvernementale, mais pour épargner à la Tunisie plus de perte de temps, comme ils l’expliquaient. Le chef du bloc Ennahdha, Noureddine Bhiri, a déclaré dans ce sens, que voter pour ce gouvernement est une obligation parce qu’il refuse « cette situation de vide que vit le pays ». «Je ne dis pas que le gouvernement Jemli soit parfait, mais je dis simplement que la Tunisie et les Tunisiens ne peuvent plus attendre, et passer à l’autre alternative constitutionnelle nous fera perdre plus de temps encore», a-t-il averti.
«Un gouvernement de guerre !»
L’allocution de Habib Jemli, le chef du gouvernement désigné à travers laquelle il a essayé de solliciter les députés et de les convaincre de la compétence mais surtout de l’indépendance de sa formation gouvernementale a rajouté de l’huile sur le feu. C’est en tout cas ce qu’ont confirmé plusieurs députés relevant de différents blocs parlementaires. D’ailleurs, le député indépendant Safi Said a sévèrement critiqué le discours du chef du gouvernement désigné affirmant qu’il est vidé de tout sens. «Aujourd’hui nous avons besoin d’un gouvernement de guerre et non pas d’un simple gouvernement de compétences indépendantes, le chef du gouvernement est en train de vendre des illusions aux Tunisiens. Si je fais un gouvernement, il obtiendra la confiance du parlement. J’ai des amis et du soutien au sein de tous les blocs», a-t-il insisté.
Pour sa part, la présidente du Parti destourien libre Abir Moussi s’est encore illustrée à l’Assemblée des représentants du peuple. Réagissant au discours de Habib Jemli, Moussi a accusé le chef du gouvernement désigné de plagiat. En effet, la présidente du bloc parlementaire du PDL considère que Habib Jemli s’est basé sur le programme de son parti pour concocter le sien. «Comment voulez-vous nous convaincre que vous êtes là pour engager les réformes nécessaires alors que vous comptez parmi vos ministres d’anciens ministres de la Troika, ceux-là mêmes qui ont conduit le pays à la ruine?», s’est-elle demandée.
Toujours dans ce contexte de réactions au discours de Jemli, le président du parti Au cœur de la Tunisie, Karoui s’est dit étonné des déclarations du chef du gouvernement désigné, qui a dit compter sur les divisions au sein des partis politiques pour assurer le passage du gouvernement. Par ailleurs, Karoui a dit craindre l’avenir de la Tunisie en cas d’entrée en fonctions de l’équipe gouvernementale de Habib Jemli, dénonçant l’absence de tout programme. «Au cœur de la Tunisie a appelé à opérer un changement sur la composition du gouvernement et à assurer la neutralité des ministères de l’Intérieur et de la Justice», a affirmé karoui.
Commentant également l’allocution de Habib Jemli, le député Tahya Tounes, Mabourk Korchide, a assuré que «la Tunisie a besoin d’un gouvernement de salut, surtout que les tambours de la guerre battent dans la région».